Carnet n°28

Thalia Morlone s'aimait beaucoup. Là où certaines femmes auraient considéré une stature imposante et grande comme un désavantage, la Princesse Navigatrice était très satisfaite de ses épaules et sa mâchoire carrées. Il y avait quelque chose de grave dans son regard, souvent sérieux, parfois sévère. C'était le genre de visage et de stature qui imposaient le respect. Et Thalia en jouait beaucoup: elle accentuait le côté autoritaire de son allure en portant des drapés, des vestes longues à col en V et des vêtements cintrés aux couleurs élégantes. Et lorsqu'il fallait sortir la carte de la séduction, la princesse sélectionnait les couleurs les plus intimidantes pour en parer ses lèvres.

Pour garder un esprit sain, il faut un corps sain. Thalia avait été marquée par l'expérience de son père qui luttait toujours contre la nourriture et contre son corps. Une fois par semaine il s'imposait une séance de course éprouvante et il rentrait toujours à ses appartements à bout de souffle, rouge et bouffi, pantelant... Chaque repas était un motif de disputes, la mère de Thalia s'inquiétait pour la santé de son mari. La Princesse Navigatrice avait décidé très tôt qu'elle ne tomberait pas dans cet engrenage et aujourd'hui elle récoltait les fruits de ses efforts. Pour une femme de son âge, son maintien était plus que correct, et cela grâce à ses seules habitudes alimentaires. Elle mangeait de tout sans jamais faire de folies.

Ceux qui avaient eu des contacts superficiels avec Thalia Morlone s'accordaient pour dire qu'elle était une femme charmante, posée et éclairée. Pour ceux qui l'avaient côtoyée plus longtemps, c'était une toute autre affaire. Aucun de ses prétendants n'avait supporté son niveau d'exigence. Avec elle, la logique prenait le pas sur l'affect et peu d'hommes avaient réussi à toucher la femme sensible et aimante. Elle ne manquait pas de chaleur humaine pourtant. Mais il y avait peu de personnes qui lui inspiraient un véritable respect, si elle se laissait aller en leur présence que pouvaient-ils bien lui apporter qu'elle n'avait pas déjà ?

A la tête d'une entreprise d'importation de produits exotiques (nourriture et textiles de luxe), Thalia était une patronne dévouée à la prospérité de son affaire. Elle tentait de garder un équilibre entre profit et maintien raisonnable de sa masse ouvrière. Le bien-être de ses employés l'intéressait peu : elle se souciait surtout de leur productivité et fiabilité. Il fallait parfois faire quelques concessions mais cela n'allait jamais trop loin. C'était très facile de remplacer un ouvrier mécontent ; les gens en quête désespérée d'un emploi ne manquaient pas dans les rues d'Excelsa.

Après avoir réussi à s'élever dans les hautes sphères de la finance d'Excelsa, Thalia Morlone cherchait le prochain défi à relever...

Que ceux qui s'intéressent à l'économie et au bien-être de la Ville se manistent !