Qui scribit bis legit - Phineas / Wini

Ça faisait déjà quelques temps que l'idée trottait dans la tête de Winifred, mais c'était pas une décision qu'elle pouvait prendre seule, évidemment. Il lui fallait rencontrer ce gars, Phineas Gold. Elle avait vu son nom plus d'une fois dans le Vox, journal qu'elle lisait régulièrement pour se tenir informé de ce qu'il se passait sur ses terres, ses voisins, ces étrangers, les « on dit » et tout ce qui pouvait être écrit.
C'était évident que c'était à lui qu'il fallait en parler et pas à un autre, c'était lui le petit chef de la maison. Elle ne l'avait encore jamais rencontré, elle savait pas trop quelle tronche il avait, mais elle savait où il bossait à Saint Héléna parce qu'elle était passé plus d'une fois devant pour aller dans cette petite salle de concert. D'ailleurs, la dernière fois avec Catherina elles avaient failli se tromper de chemin, parce que justement la rue du Vox est parallèle à celle de la salle où elles s'étaient toutes les deux rendues.
Bref, Wini avait prit sa matinée pour aller voir le jeune homme, laissant les rênes à Warwick qui était de retour pour quelques ridicules jours (mais elle n'allait pas le laisser traîner au lit sans rien faire non plus, au boulot !). Elle se rendit à Saint Héléna à pieds, elle aimait bien faire ce trajet, mais elle était accompagnée d'un petit gamin du quartier qui ne demandait qu'à poser trente six milles questions à Winifred à chaque fois qu'il la voyait.

- Hé, dis, c'est vrai que ton papa il est mort ?
- Oui, depuis quelques temps déjà, mais dis moi, t'as pas école ?
- Je suis grand, j'en ai pas besoin.
- Grand comment ?

Puis le gamin se colla au ventre de Winifred qui s'arrêta dans son élan et, sur la pointe des pieds, marqua de sa main droite le haut de son crâne pile sous les seins de la mama.

- Grand comme tes nénés.
- Tu parles d'une référence, tous les ans ils descendent, j'espère que ce sera pas ton cas.

Le môme ne pigea pas tout de suite, mais il haussa les épaules et continua son chemin aux côté de la tenancière tout en ne marchant que sur les pavés, surtout pas sur les lignes entre. Wini s'y essaya bien quelques instants mais fut vite à court de cardio pour suivre la cadence d'un rejeton qui a de si petits pieds et pour qui la tâche pouvait se faire les doigts dans le nez.

- Quand je serai grand, j'aurai une grande maison comme elle, dit-il en désignant une petite demeure toute jolie. Ou elle. Ou même elle, elle je l'aime bien, y'a des fleurs.
- Tu sais, une grande maison ça veut dire beaucoup de ménage.
- Mais j'aurai plein de chiens, comme ça, y'aura pas de poussière partout parce qu'ils vont dormir partout par terre !
- Tu auras plein de poils en revanche.
- C'est super, on pourra faire plein d'oreillers pour les chiens avec leurs poils dedans. Peut être que je pourrais les vendre !
- Tes chiens ?
- Nan les oreillers avec des poils de chiens dedans.
- C'est à tenter, je vais demander à mes clients si ça peut les intéresser.

Le gamin avait des étoiles plein les yeux et loucha soudainement sur une petite confiserie d'une rue commerçante. Winifred tenta de jouer les impassibles, mais finit par rentrer dans la boutique pour lui trouver un bâtonnet couvert de sucre cristallisé. Il était dingue, ravie comme c'était pas permis et il lui fit un câlin.

- Tu me rembourseras quand tu seras grand, avec la vente de ton premier oreiller en poils de chiens.

Le môme acquiesça, le bâtonnet dans le bec, se pavanant comme un coq.

- Et tu cours pas avec ce truc dans la gueule, j'veux pas avoir ta mort sur la conscience le jour où j'dois aller voir un journaliste, bonjour le titre.
- Oh y'a mon copain, je vais le voir, salut !

Plus de môme, il s'était engouffré dans une petite ruelle avec d'autres enfants. Wini, elle, arriva presque à bon port, reconnaissant l'arrière du Vox, encore deux petites minutes et elle sera devant.

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Wini poussa une porte, puis une deuxième et arriva dans un vestibule qui donnait sur d'autres portes.

- Très utile, dit-elle à voix basse. Pourquoi tant de portes ?

Puis elle en poussa deux autres sur le côté, elles coulissaient. Elle s'avança tout en ôtant sa veste étriquée, commençant à ressentir la chaleur des machines de presse et tomba face à des bureaux. Un gars était au sien, elle s'approcha alors tout en tendant la main.

- Bonjour à vous, Winifred Cooper, je suis la propriétaire de L'Octo.
- Ah, oui, bonjour, oui, L'Octo, je vois, évidemment. répondit-il en lui serrant la main.
- Vous pourriez me dire si je peux voir Phineas ?
- Mr Gold ?
- Phineas, dit-elle calmement mais avec conviction.

Il sourit, gêné et hésita.

- Il n'est pas ici pour le moment hélas, vous aviez rendez-vous ?
- Pas du tout, mais je veux le voir maintenant, car c'est maintenant que je suis au Vox, pas demain, ni après demain, aujourd'hui et maintenant.

Le gars ne savait pas trop où se foutre face à l'autorité naturelle qui se dégageait des paroles de Winifred.

- Vous pouvez peut être essayer d'aller voir chez lui, il habite juste à côté.

Il griffonna l'adresse sur un bout de papier sur lequel figurait le logo du Vox et le tendit à la mama.
Elle le salua de la tête et quitta le lieu, sa veste sur l'épaule.

___________

*Toc toc*

C'était l'un de ces rares jours où Phineas n'était pas au bureau à 7h du matin. Il était humain, parfois la fatigue prenait le dessus. La veille, il était resté jusqu'à une heure avancée de la nuit afin d'écrire son portrait du Prince Prieur, Otton Egidio. Un entretien exclusif au Vox, de quoi conclure la saison du Renouveau en beauté. L'article, assez conséquent, n'était pas encore terminé. Mais ce fut lorsque les deux techniciens arrivèrent pour charger les éditions du jour que Phineas se résolut à rentrer chez lui.

Il habitait à deux pas, et fort heureusement son corps s'était adapté, au fil des ans, à la pénurie des heures de sommeil. Tant et si bien qu'en se couchant à environ 5h, Phineas savait qu'il serait opérationnel sur le coup des 10h. Finalement, il était plutôt 10h30 lorsque le jeune homme émergea de ses draps. Son bureau étant quasiment à portée de bras, il s'étira pour attraper son paquet de cigarettes. Les habitudes avaient la peau dure. Tout en s'allumant la fameuse clope du réveil, Phineas se dirigea vers le coin cuisine pour se préparer un café.

Il n'était pas vraiment pressé. Avant de se lancer dans ce projet de portrait, il avait pris ses dispositions avec ses collaborateurs. Le temps de préparer son article, il ne s'occuperait pas des affaires courantes, à moins qu'un événement majeur ne vienne secouer Excelsa. Auquel cas, évidemment, l'actualité chaud éclipserait son portrait. Après tout, s'il le sortait dans deux jours, ce ne serait pas un drame. D'ailleurs, c'était ce qu'il songeait à faire. Profiter d'un jour où le Vox se vendrait particulièrement bien. Le premier jour de la Saison de la Forge serait sans doute parfait. D'autant plus que le lendemain, une grande partie du Vox serait occupé par les résultats des courses d'aviron.

C'est donc avec quelques volutes de fumée et quelques gorgées de café que Phineas débuta sa journée. Il ne se pressait pas, après tout s'il arrivait à 11h, il aurait toute l'après-midi pour poursuivre sa rédaction.

Soudain, on frappa à la porte de son studio. Phineas fronça les sourcils : il n'attendait personne. Il ne recevait pour ainsi dire jamais. Et pour le coup, les lieux n'étaient pas franchement présentables. Lit défait, les vêtements de la veille jonchant le sol, la vaisselle pas faite, le bureau en chantier avec des dizaines de feuilles posées aléatoirement dessus...

Lui-même n'était pas beaucoup mieux. Il n'était pas coiffé. Pas rasé, mais ça c'était habituel. Surtout il n'était pas habillé, juste un t-shirt blanc et un caleçon. Pas idéal pour aller ouvrir à quelqu'un.

Une minute ! s'exclama-t-il.

Rapidement, il enfila une chemise et un pantalon. Il passa rapidement dans la salle d'eau, juste de quoi se débarbouiller le visage. Puis il ouvrit. Sur son visage, une expression indécise.

Bonjour ? Je ne crois pas qu'on se connaisse... vous êtes ?

C'était une mama, bien en chair, qui se tenait devant chez lui. Elle excuserait son franc-parler, mais Phineas n'était pas du genre à feindre de connaître quelqu'un. Si ça se trouve, c'était juste une personne qui s'était trompé de porte.

Par politesse, en quelques sortes, Phineas se retourna pour ne pas cracher la fumée de sa cigarette au visage de la dame. Il ne la laissa pas entrer tout de suite. Pas sans plus d'informations sur qui elle était et ce qu'elle voulait.

On lui avait dit que c'était cette porte là, alors c'était à cette porte là qu'elle avait tapé, mais à aucun moment elle se serait imaginé être accueillie par un... mec au réveil. Ça se voyait, et puis le temps qu'il venait de prendre avant d'ouvrir (au moins deux bonnes minutes, ce qui est rare quand t'es tout prêt derrière ta porte), et il avait encore de l'eau tout fraîche sur le col de sa chemise, il devait s'être rincé la tronche avant d'ouvrir et en aurait laissé perler quelques gouttes par inattention.
Il avait une bonne bouille ce jeune homme, malgré son air fraîchement réveillé. Il devait avoir une bonne grosse vingtaine et faisait la même taille qu'elle, portait des vêtements un brin froissés et ses cheveux n'étaient pas mieux coiffés. Mais il avait une sorte de visage angélique, un peu comme Opthimus mais en plus barbu. Faut se méfier des anges, surtout dans le journalisme.

- Bonjour à vous, je vous réveille peut être ? Mais elle ne lui laissa pas le temps de répondre qu'elle enchaîna. En effet, nous ne nous connaissons pas, du moins, pas physiquement. Je suis Winifred Cooper, propriétaire de L'Octo, peut-être que vous connaissez, je l'espère en tout cas.

C'est vrai quoi, si ce gars est journaliste depuis tant d'années et qu'il ne connait pas L'Octo, c'est qu'il ne vit pas à Excelsa.

- Je voulais vous faire une proposition quant au développement de la distribution de votre journal, j'en discute volontiers autour d'un café, d'un thé ou autre boisson chaude, à condition que vous me laissiez rentrer dans votre chez vous, j'ai mal au dos et rester une heure sur le pas d'une porte, ce n'est pas des plus pratique.

Winifred se pencha sur le côté afin de jeter un œil à l'intérieur du studio, tout de suite elle était moins sûre de vouloir y rentrer, on aurait dit la chambre de Warwick alors qu'il était en pleine crise d'adolescence. Mais bon, Warwick ne travaillait pas, Phineas si, puis il ne devait pas avoir autant de monde à la maison que Winifred qui se laisserait probablement déborder aussi si justement ses employés n'étaient pas là.

Puis, afin de le convaincre un peu plus, elle sorti une petite boîte en bois de son sac en bandoulière, fait de cuir brun.

- J'ai fait des gâteaux. Vous voulez goûter ?

La mama parlait vite, sans lui laisser le temps d'en placer une, du moins au début. Phineas avait souri, amusé. D'ordinaire, c'était plutôt positif pour lui, les gens qui avaient beaucoup à dire. Sauf parfois, lorsque certains interviewé, qui s'était révélé être des sources décevantes, ne comprenaient pas qu'il fallait se taire, parce qu'ils faisaient perdre un temps précieux au jeune homme. Au début il attendait patiemment, mais avec l'expérience, il n'hésitait plus à simplement mettre fin à l'entretien.

Vous ne me réveillez pas. Finit-il par dire, avant d'ajouter. À quelques minutes près... vous avez le sens du timing !

Il chercha rapidement dans sa mémoire, puis son visage s'illumina.

Oui, l'Octo, bien sûr que je connais ! Avec le travail, ça fait bien quelques années que je ne suis pas venu... Mais oui, je me souviens de vous maintenant ! Désolé d'ailleurs, c'est assez flou dans ma mémoire, mais je crois que je ne suis pas parti en très bon état la dernière fois. Enfin, ça commence à dater...

Dans ses années étudiantes, surtout après les premiers numéros à succès du Vox, Phineas avait le souvenir de quelques soirées bien arrosée dans l'établissement de madame Cooper. Son sourire s'élargit. Il écouta attentivement la proposition de Winifred et leva un sourcil, surpris. C'était assez inattendu de voir quelqu'un frapper à votre porte pour parler distribution de votre journal. Le journaliste jeta un coup d’œil derrière lui et grinça des dents. Malgré tout, il s'effaça pour laisser la visiteuse entrer.

Je vous en prie, entrez. C'est un peu le bordel ici, je n'ai pas vraiment l'habitude de recevoir. En plus je suis rentré très tard dans la nuit et comme vous l'avez remarqué, je viens à peine de me lever. À la vue de la petite boîte, il s'esclaffa. Si vous me prenez par les sentiments... Je vous aurais laissé entrer, pas besoin de dévoiler tout vos atouts d'entrée de jeu !

Un rire franc, puis il parcourut les quelques mètres qui le séparait de son lit. Il continuait à fumer tranquillement sa cigarette. Toutefois, il se posa près de la fenêtre pour la finir. Il avait évidemment ouvert cette dernière.

La fumée vous dérange pas ? Asseyez-vous euh... sur la chaise ou sur le lit, comme vous préférez.

Le studio était de petite taille, il n'y avait pas beaucoup d'espace entre le bureau et le lit, donc au fond, ça ne faisait pas grande différence. Le matelas était plus mou que la chaise en bois, ce serait peut-être plus confortable.

Après avoir terminé sa cigarette, Phineas servi une tasse de café à Winifred. Il n'avait pas de thé. Il se servit également une seconde tasse, et prit place là où sa visiteuse ne s'était pas assise.

Je vous écoute, vous disiez avoir une proposition pour la distribution du Vox ? Nous cherchons toujours des moyens de toucher un maximum de monde, donc il va sans dire que ça pourrait m'intéresser.

Tout en parlant, il piocha dans la boîte de gâteaux, et le porta à sa bouche.

Délicieux ! Complimenta-t-il, la bouche encore à moitié pleine.

Si Phineas parlait du bon timing de Winifred, cette dernière pensa au fait qu'elle venait de traverser un bon bout de la ville, puis avait eu le temps de passer au bureau avant d’atterrir ici, qui des deux avait un bon timing ? Mais ses pensées s'envolèrent avec les révélations du jeune homme, il eut été client à L'Octo, pourtant sa tête ne lui était pas familière dans ce domaine à la Wini, aurait-elle la mémoire qui flanche ? Remarque, à cet âge là, ils grandissent tellement et changent de tronche... Elle sourit à cet aveu concernant l'état dans lequel il était en partant de chez elle la dernière fois, si c'était le seul client à sortir ainsi, ça se saurait, mais c'était quotidien ça !

Elle fut finalement invitée à pénétrer dans le studio, c'était moins grand que ce qu'elle avait cru apercevoir du pas de la porte mais au moins, il y avait de la place pour vivre, manger, se laver, l'essentiel quoi. Les appartement du gars devaient faire la taille du dortoir de L'Octo, à quelques brouettes près.

- En ce qui concerne mes atouts, croyez bien qu'ils sont nombreux, ça ce n'est qu'une forme de politesse. Dit-elle en rigolant avant d'ajouter : Et puis j'en ai cuisiné beaucoup trop, ils m'encombrent, vous garderez la boîte.

Bon, en vrai, elle n'en avait pas autant que ça chez elle, ça lui faisait plaisir de distribuer ses gâteaux avec un faux dédain pour ceux qui les mangeaient.
La fumée ne dérangeait plus Wini, depuis bien des années et heureusement pour elle sinon elle ne pourrait pas aller si souvent que ça au premier étage de son établissement. Autrefois cette odeur la répugnait et elle ouvrait grand les fenêtres des lieux enfumés.

La mama pensa à son dos et s'installa sur la chaise, c'était mieux pour rester droit. Sur un lit, assit, on a la fâcheuse tendance de se courber et de se tasser.

Après un compliment sur ses gâteaux, Winifred prit la parole à son tour.

- Et bien, j'ai pensé, purement et simplement, proposer une distribution du Vox à L'Octo. Le passage y est quotidien, du matin au soir, plein pour le déjeuner ainsi que le souper. Il y a de la place pour entreposer les journaux, à raison d'une bonne centaine par jour je pense que c'est jouable. Et puis, quand bien même je n'ai pas cent clients intéressés, si la population sait qu'à L'Octo on y distribue le Vox, peut-être que ma clientèle s'agrandira. En somme, c'est un marché qui peut nous convenir à tous les deux.

L'idée initiale n'était pas venue de Mme Cooper, c'était à force d'avoir des clients qui demandaient où est-ce qu'ils pouvaient trouver le Vox dans les environs, le premier distributeur était à des centaines de mètres de L'Octo qui était pourtant un gros point de passage dans le district portuaire.

Elle attrapa son café et regarda Phineas, savoir un peu si jusqu'à là il suivait l'idée, qui n'était cela dit pas compliquée, et si il pouvait potentiellement y adhérer.

- Qu'en dites-vous ?

Phineas s'esclaffa après la réaction de Winifred. Il la détailla de haut en bas, tandis qu'il s'écartait pour la laisser entrer.

Oh, je ne doute pas que vous ayez plus d'un atout dans votre manche ! Toutefois, alors qu'il regagnait la pièce à vivre, il ajouta. Par contre, désolé mais je garde pas la boîte. C'est pas que je veux pas, mais c'est déjà assez le bordel ici, j'ai pas besoin d'un truc de plus dont je saurais pas quoi faire.

Un sourire, vaguement désolé. Ce n'était certes pas la boîte de Pandoora, mais même, il n'en avait pas besoin, ça ne lui servirait pas, ça allait trainer quelque part... En plus, si jamais ils ne finissaient pas les gâteaux, il était prêt à parier que ceux-ci finiraient par moisir.

Un brin de ménage, sur le tas. Rien de bien folichon, il ramassa ses vêtements de la veille pour les mettre dans un bac de linge sale. Il tira vaguement la couverture de son lit avant de s'y asseoir. Il ouvrit la fenêtre en plus grand pour bien aérer. Juste de quoi faire semblant pendant que Winifred s'installait. Il ordonna rapidement quelques feuillets sur son bureau, avant d'abandonner et de retrouver son matelas pour écouter l'offre de la patronne de L'Octo.

En effet, c'est très intéressant. Commenta-t-il en se frottant le menton.

Il se leva, fouilla dans ses papiers et en sortit une petite carte d'Excelsa. Des points rouges étaient notés un peu partout, ils indiquaient les différents points de vente du Vox.

Si je ne me trompe pas, l'Octo est ici. Dit-il en pointant un petit carré, représentant un bâtiment, du doigt. En effet, les deux kiosques les plus proches obligeraient pas mal de monde à faire un gros détour. Ce serait très avantageux si vous proposiez notre journal dans votre établissement.

D'un point de vue technique, les livraisons de l'édition du jour ne devraient pas poser trop de problèmes. Après tout, à part demander à l'équipe de livreurs de changer légèrement son itinéraire pour passer par l'Octo, il n'y aurait aucun changement. Toutefois, il restait quelques points financiers à voir.

Dans les faits, évidemment que je suis partant. Cependant, deux choses me retiennent avant de vous proposer un oui enthousiaste et définitif. Tout d'abord, vous n'êtes probablement pas sans savoir que chaque point de vente verse une contribution au Vox afin de pouvoir le vendre. Les prix sont loin d'être exorbitants, mais sans l'assurance d'un versement mensuel ou annuel, aucun accord ne pourra être trouvé. Il marque une petite pause, boit une gorgée de café. Deuxièmement, et c'est plus ou moins lié avec mon premier point. Quand vous dites cent, c'est au hasard ? Ou vous pensez vraiment pouvoir en vendre cent par jour ? L'impression à un coût, donc dans la mesure du possible, nous essayons d'avoir le moins d'éditions invendues possible. Histoire de ne pas jeter de l'argent par les fenêtres. De ce fait, nous devrions dans un premier temps fixer un nombre d'éditions livré raisonnable, quitte à augmenter ensuite si la demande augmente.

Il piqua un gâteau de plus dans la boîte, avant de conclure avec un sourire malicieux :

Qu'en dites-vous ?

Bon, il ne voulait pas de la boîte, c'était pas grave, elle allait bien trouver quelqu'un dehors qui en voudrait, qui plus est si il y a encore quelques gâteaux à l'intérieur. C'est vrai que rajouter du bazar au bazar, c'était pas le meilleur plan, la mama comprit et intégra la chose sans soucis.

Une carte dans les mains, le jeune Phineas indiqua avec précision l'emplacement de L'Octo, Wini acquiesça lorsqu'il émit un léger faux doute sur le lieu. Il constata en effet que la distribution de ses journaux n'était pas "optimale" même si le Vox n'avait rien à envier comparé à la Ligne de Myre.

- Justement, j'avais quelques questions concernant cet aspect financier.

Parce que, qui dit Wini, dit argent. Qui dit argent à dépenser, dit discussion.

- Les kiosques dans lesquels vous faites vos distributions ne vivent QUE de journaux, L'Octo quant à lui est totalement indépendant, cette distribution ne serait qu'un plus pour les deux partis que nous sommes, alors quelle serait cette somme ? Il faut en effet que nous trouvions un commun accord, car je peux effectivement agrandir ma clientèle, donc j'avoue que je pourrais y lâcher quelques ducats pour l'occasion.

Elle but une petite gorgée de son café dont elle maintenait la parfaite température entre ses deux mains brûlantes avant de continuer.

- Pour ton deuxième point...

Oui, elle aimait tutoyer et ce n'était un secret pour personne. A chacune de ses rencontres, ça se soldait rapidement de la sorte. Princes, Princesses, célébrités de la ville, paysan, ouvrier, quelle réelle différence ?

... J'ai en effet dit "un peu" au hasard, il faudrait que je puisse faire une estimation afin de ne pas imprimer inutilement. Je suis tout à fait d'accord avec toi pour ton argument, c'est à dire fixer une première quantité et voir comment ça se goupille par la suite. J'ai envie de m'engager sur... disons 40 exemplaires. Est-ce que ça te parait convenable ? Quelle est la quantité de journaux vendus dans un seul kiosque ?

Elle se posait beaucoup de questions, mais en même temps c'était assez nouveau pour elle, mais comme elle avait eu cette idée en tête, elle n'avait pas eu envie d'y cogiter toute seule pendant un moment, elle aimait bien discuter sur le moment avec les principaux concernés, de ses décisions. Des fois ça passait, des fois vachement moins, mais fallait tenter.

- Chaque année je me fait ma petite comptabilité, voire de façon plus fréquente que ça mais peut importe, je pense que par jour, en moyenne, j'ai entre 45 et 65 personnes, sur des temps calmes j'entends. Les soirs de concerts, ça peut aller jusqu'à 150 personnes sur la journée, ce qui ne veut pas dire qu'il y a 150 personnes ensemble le même soir. Il est évident que tout le monde ne va pas acheter le Vox, mais je peux te rappeler que la population locale, vivant autour de L'Octo et le fréquentant vient du port qui est juste à côté, et on a bien constaté que ce n'était pas dans ce coin qu'il y avait le plus de kiosques. Je peux redire également que c'est avant tout une demande de la population et non la mienne, donc il y a de la demande. Je sais, ça fait deux fois le mot demande, mais il est important.

Winifred s'était penchée légèrement sur sa chaise, s'approchant ainsi de quelques centimètres de Phineas. Elle aimait bien avoir les gens face à elle quand elle parlait, et capter leur attention. Une gorgée supplémentaire de café avant de continuer, encore et toujours.

- Et je... oh, ben merde, j'ai oublié ce que je voulais dire ensuite... Bref, qu'en dis-tu ? lâcha t-elle avec un sourire amusé.

L'aspect financier, c'était toujours le moment un peu compliqué lorsqu'on commençait à parler affaire. Personne n'aimait dépenser de l'argent, sauf peut-être les gens de la très très haute classe, qui pouvaient se permettre de gaspiller leurs ressources dans le simple but de montrer qu'ils avaient de telles ressources. Mais le commun des mortels, et c'était quand même la majorité des citoyens d'Excelsa, savait se gérer financièrement.

Winifred faisait partie de ces gens qui ne voulaient pas dépenser inutilement. Gérante de l'Octo depuis des années, elle saurait évidemment déceler toute tentative d'arnaque. Fort heureusement, Phineas était un honnête parmi les honnêtes.

Les contributions annuelles ne sont pas fixes. Elles sont fixées selon la position du point de vente, le nombre de journaux qui y sont apporté chaque jours et les résultats des ventes mensuelles. Pour les kiosques de la Ville intérieure, c'est plus cher, vu qu'il y a plus d'acheteurs. Plus on va vers les districts moins aisés, plus le prix descend. Il observe la position de l'Octo sur la carte. Hors des limites de la Ville intérieure, mais proche des remparts quand même. Cependant, comme vous l'avez mentionné, l'Octo n'est pas un kiosque ordinaire, et ce serait une première pour le Vox. Il faudrait que j'en discute avec mes collaborateurs, mais si je devais donner une fourchette, je dirais entre 100 et 150 ducats, pour l'année.

Dans les districts les plus huppés, comme il y avait plus de moyens et plus de concurrence, forcément, les prix avoisinaient plutôt les 200 ducats annuels. En revanche, dans les districts ouvriers, ou 200 ducats, c'était déjà le prix d'une petite maison à l'année, la contribution était plutôt vers les 100, parfois même moins. Le plus bas, c'était à Domus et à la Borée. Très peu de kiosques, très peu de demandes du Vox, résultat, les rares vendeurs versaient une contribution annuelle de 60 ducats. À vu de nez, étant donné la position de l'Octo, ce serait plutôt le double.

Phineas sourit. Elle le tutoyait ? Pas de raison qu'il ne fasse pas pareil à partir de maintenant. Ce n'était pas vraiment un rendez-vous d'affaire officiels, ils se trouvaient dans son petit studio avec deux cafés maison et une carte au verso de laquelle le journaliste avait déjà griffonné moult notes.

Combien de journaux par kiosques, là encore ça dépend. Annonça-t-il, un peu au regret de ne pas être plus précis. Le Vox est imprimé à environ 110 000 exemplaires par jours. Le gros de notre audience se situe dans la ville intérieure, ainsi qu'à Sainte-Héléna et dans le district Manufacturier. En gros, 80 000 exemplaires partent dans cette zone là.

Il écouta ensuite Winifred lui donner plus de détails sur la fréquentation de l'Octo, le nombre de clients. En effet, les deux partis avaient tout à gagner à s'entendre. Mieux, Phineas voyait là l'occasion de s'étendre un peu plus du côté du Port, là où l'influence du Vox était encore insuffisante à ses yeux. Et puis, éventuellement, s'il pouvait obtenir quelques renseignements sur ce qu'il se tramait de ce côté-là, ce serait toujours plus de valeur ajoutée pour son bébé.

Ce que j'en dis, c'est qu'un accord serait dans l'intérêt de tout le monde. Il sourit à Winifred. Quarante exemplaires, ça me paraît pas mal pour commencer, on pourrait même envisager de monter à 50 si les premiers mois sont concluants, et ainsi de suite.

Une gorgée de café. Il est temps d'entrer dans le concret.

Il faudra que je valide tout ça avec les cinq autres, mais je te fais une première proposition. On commence à quarante exemplaires par jour, sur un mois, histoire de voir. Si tu peux me garantir que le Vox sera le seul journal vendu à l'Octo, je peux m'arranger pour te proposer une contribution un peu plus avantageuse, disons 5 ducats sur les deux premiers mois, histoire que le risque financier ne soit pas trop haut et que nous ne soyons pas perdant financièrement. On monterait à 8 ducats si l'expérience est concluante. On serait donc à moins de 100 ducats par an. Mais je veux l'exclusivité.

Ce n'était pas tout d'être le journal numéro 1 d'Excelsa, il fallait aussi le rester. Et c'est en signant ce genre d'accord que le Vox pourrait garder son avance sur la Ligne de Myre. Si le principal rival de Phineas souhaitait se développer dans ce secteur, où le Vox n'était pas encore trop dominant, il devrait offrir des conditions extrêmement avantageuses pour les vendeurs, et ainsi se mettre en danger financièrement. Ses concurrents seraient-ils prêt à prendre le risque ?

Qu'en dis-tu ?

110 000 exemplaires par jour, c'était un bon score, 110 040 aussi, pourquoi pas se le tenter. Il fallait bien commencer quelque part et cette façon était la plus logique.

- Ah oui, c'est vrai que la décision ça ne se prend pas qu'avec une personne chez vous, remarque heureusement, parce que dans le milieu de la presse, c'est un coup à faire des boulettes ça. Le jugement ça va vite à travers un papier. Les décisions prises à la va vite ne réussissent à personne en fait.

Puis elle écouta la condition de Phineas et ricana intérieurement, tout en laissant s'exprimer sur son visage qu'un petit rictus amusé. Ce garçon était quelqu'un de bien précautionneux, trop pour ce qu'il en découlait, aux yeux de la mama. Mais au moins les choses étaient claires, ça ne faisait pas de mal.  

- A aucun moment je ne m'étais dit de proposer de distribuer la ligne de Myre, si c'est à ça que tu penses, je n'ai pas autant lu ce journal que celui dans lequel tu travailles. Si je souhaite proposer le Vox, c'est justement parce qu'il y a un réel intérêt économique dont je suis certaine. Je n'ai pas trop idée de la quantité de journal vendu, pour la LDM mais je crois qu'elle ne fait pas concurrence. Enfin, peut être... En tout cas, si c'est ta seule requête écoute, bah, ça me va. 40 exemplaire de votre journal pour commencer du coup, 5 ducats sur les deux premiers mois, adjugé vendu.

Elle termina son café d'une traite, ce qui lui fit légèrement plisser les yeux lorsque le petit dépôt se posa sur sa langue puis elle ouvrit la boîte en boîte qui renfermait les petites friandises pour manger à son tour un gâteau, histoire de rajouter une petite couche de sucre sur son palais.

- J'aurai bien une autre proposition à te faire d'ici quelques mois, mais le plus prudent c'est que dans un premier temps tu parles à tes collaborateurs, ce qui me laissera le temps de faire mes petites affaires et de continuer à élaborer mon projet personnel et dès que tu as de la nouveauté, ben, soit tu passes à L'Octo, soit tu m'envoies un petit courrier auquel je répondrais rapidement.

C'était fort sympathique de sa part de reconnaître que le mode de fonctionnement du Vox était intéressant. Phineas et ses amis avaient fondé leur bébé dans cet esprit là. La volonté de ne pas laisser une seule personne décider du contenu du Vox de A à Z, c'était ce qui les animaient. Avoir ce pouvoir, cette responsabilités, ça pouvait vite monter à la tête. Beaucoup de projets ambitieux s'étaient écroulés à cause de ça.

Tu as totalement raison. C'est pour ça qu'on est six à gérer le Vox sur un pied d'égalité. Je les connais depuis près de 15 ans, ils seront sûrement d'accord avec ce que je proposerais, mais rien d'officiel tant que j'en n'ai pas discuté avec eux.

La partie "exclusivité" ne semblait pas poser de problèmes, le reste des conditions non plus. Parfait, ça devait donc être la phase de négociations la plus rondement menée de tous les temps. Enfin, Phineas n'avait pas idée de toutes les négociations qui avaient pu être menées à Excelsa, mais il s'imaginait volontiers que ça ne se passait pas tout le temps aussi bien.

De ce qu'on en sait, La Ligne de Myre se tire à environ 80 000 exemplaires. Donc ils ne sont pas encore dangereux, mais ils sont là. De plus, on n'est pas encore super bien implanté par chez toi, c'est aussi pour ça que je pense que le rabais sur les deux premiers mois passera sans soucis. Parce qu'à termes, on a tous les deux tout à gagner à cette collaboration.

Avec ce premier accord, le reste de la rédaction envisagerait sûrement de chercher d'autres boutiques bien positionnée, pour y implanter de nouveaux points de vente. Peut-être que la concurrence chercherait à les imiter. Il y avait là un réel marché à exploiter, en tout cas. Peut-être une petite bataille économique à mener si les différents journaux se mettaient à chercher des alternatives aux kiosques. D'ailleurs, peut-être que les kiosquiers feraient la gueule, si d'autres commerçants se mettaient soudainement à leur piquer une partie de leur chiffre d'affaire. Il faudrait être prudent là-dessus aussi. En bref, ce serait assez passionnant à mener.

En parlant de choses passionnantes, voilà que Winifred lui parlait d'un autre projet futur. Phineas le nota dans un coin de son esprit : il avait face à lui une personne avec qui il devait rester en bon termes.

Et bien dans ce cas, j'attendrais impatiemment des nouvelles de ce projet secret. Je devrais voir les autres dans la journée, demain au plus tard, donc notre affaire devrait se confirmer d'ici quelques jours. Si je passe dans le coin, j'apporterais les contrats en main propre, sinon par la poste.

Il termine son café et mange à son tour un petit gâteau.

Pour annoncer le partenariat, je pense qu'on voudra faire un petit article. Peut-être t'interviewer, ça te dérangerait ? On en profiterait pour faire un peu de pub pour L'Octo. En tout cas tu devrais avoir de mes nouvelles très vite pour confirmer tout ça.

Avec un large sourire, Phineas tend la main à Winifred, comme pour sceller leur début d'accord.

Winifred eu un moment de doute. Si jusqu'ici tout se déroulait d'une façon relativement convenable pour les deux partis, le jeune Phineas employa un mot qui fit frissonner la Mama. "contrats". Même elle, ne faisait pas de contrats avec ses employés, les contrats c'était vraiment quelque chose de rude pour elle, comme si il ne pouvait y avoir de confiance entre deux personnes, c'était un peu la dernière solution pour faire un pacte, comme deux populations en guerre qui peuvent toujours pas se blairer mais qui par nécessité signent un contrat. Non, il était hors de question qu'ils signent un contrat comme Excelsa l'entendait, c'était beaucoup trop sérieux.

- Pardon mon chou, mais, là, tu me parles de contrat. J'ose espérer qu'il ne s'agisse pas d'un contrat comme je crois l'entendre parce que je te le dis direct, je ne fonctionne pas ainsi. Je ne m'installe pas sur une chaise à bouffer des gâteaux en buvant un café pour faire un pacte de folie là. On parle de 40 journaux dans mon bar, hein. Je veux bien te signer mon nom en bas d'un papier pour la livraison des journaux, mais rien de bien plus officiel, c'est une entente entre Le Vox et L'Octo là, on ne parle pas de la cessation d'une entreprise ou autre chose du genre.

Phineas sembla comprendre la différence que Winifred faisait et il n'avait pas l'air d'être en désaccord avec elle, restait à voir ce qu'il en disait. Tout en continuant sa réponse, la tenancière de l'établissement portuaire attrapa une petite pince de fortune dans son petit sac marron et essaya d'arranger ses cheveux comme elle le pouvait. Elle profiterait d'être dans le quartier pour passer chez une amie qui venait des bijoux et autres accessoires de beauté afin de lui acheter une petite tige en os qu'elle avait repéré chez elle quelques temps plus tôt, mais la dernière fois elle n'avait pas de monnaie sur elle pour la lui acheter. Bref. Winifred reprit ses pensées là où elles en étaient.

- Et pour l'interview, faut voir, ça dépend de ce qu'il y a dedans. Je n'ai pas envie de chanter notre petite affaire sur les toits, les gens verront bien que le journal se trouve dans l'établissement. Tu pensais à quoi précisément ?

Phineas se rendit compte de son erreur en constatant le changement d'expression de Winifred. La gérante de l'Octo se lança dans un rapide monologue expliquant qu'elle ne voulait absolument pas signer de Contrat. Le genre avec un grand C, qui est plus important que votre propre mère. Un léger sourire désolé se forma sur le visage du journalisme, qui leva les mains en signe d'excuse.

Ne t'inquiètes pas, on est sur la même longueur d'onde à ce sujet ! Pas de Contrat, enfin, pas ce genre de contrat. Je te parle juste d'un bout de papier à signer par les deux parties, afin de garder une trace de cet accord et de ces termes. C'est surtout pour que de notre côté, on garde à jour la liste de nos points de vente et les quantités qu'on expédie aux quatre coins de la Ville chaque jour. Ce ne sera rien de contraignant, juste une banale formalité administrative.

Tout de même, ça n'aurait pas été très malin de ruiner un accord aussi bénéfique pour les deux partis, et aussi souhaité par les deux partis, à cause d'une histoire de contrat. En plus, ce genre d'accord, c'était quasiment impossible de les faire annuler ou de les modifier. Donc si l'affaire avec l'Octo marchait super bien, impossible d'augmenter le nombre de journaux à disposition des clients. Et au contraire, si jamais ça faisait un flop, impossible de stopper la distribution. Enfin, sur un accord tacite entre les deux principaux concernés, ça devait pouvoir s'arranger. Mais il y avait des spécialistes en rédaction de contrats, et ce genre de types étaient à surveiller.

Quant à l'interview, c'était surtout une idée en l'air lancée par Phineas. Il ne savait pas vraiment quel intérêt journaliste il y aurait à ça. L'Octo était un bar déjà bien réputé dans son district, donc tout le monde le connaissait déjà. Le promouvoir dans le reste de la Ville, c'était un coup à attirer deux ou trois clients occasionnels, mais de manière générale personne n'allait traverser Excelsa d'est en ouest pour aller boire un verre dans un établissement partenaire du Vox.

Pour l'interview, il faudrait que j'y réfléchisse plus avant. Mais c'est un peu une tradition chez nous. Dès qu'on a un nouveau partenaire autre que les kiosques, on aime bien l'annoncer publiquement. Ça fait quelques temps, mais il nous reste encore des mécènes qui aident au financement du Vox. Ils ont tous eu leur interview. En gros, ils se présentent, personnellement et professionnellement, et expliquent pourquoi ils souhaitent collaborer avec le Vox. Et s'ils veulent caser une petite annonce dans le journal, ils peuvent toujours demander.

Si Winifred ne souhaitait pas se plier à l'interview, ce ne serait pas vraiment un problème. En cas d'accord, le nom de l'Octo rejoindrait la liste des points de vente, indiquée en pied de page, au dos du journal. De plus, interview ou pas, il y aurait sans doute un petit carré, calé dans un coin, sans doute dans la section dédiée au district Portuaire, qui annoncerait l'accord. L'affaire de deux lignes.

Satisfait de cette discussion, Phineas tendit une main enthousiaste à Winifred.

Si tout ceci vous convient, j'en parle à mes amis dès aujourd'hui. Vous devriez très vite avoir des nouvelles. On fêtera peut-être ça chez vous, qui sait ?

La mama était rassurée aux paroles de Phineas, ils étaient bel et bien d'accord sur la marche à suivre en ce qui concernait ledit contrat. C'était juste deux signatures sur un bout de papier, et pas un Contrat comme il pouvait avoir été entendu. Tout allait bien, ça c'était faisable. Elle avait aussi signé un contrat avec un menuisier, avec un livreur de verre, avec Artémis, bref, ça, oui.
Mais elle était bien heureuse de n'avoir aucun Contrat à son actif à ce jour, même avec ses employés, après tout, elle avait confiance en eux, alors à quoi bon ? Puis ils n'étaient pas enfermés, si ils voulaient partir, ils partaient (mais bon, le deal c'était quand même qu'ils préviennent Wini quelques temps avant, histoire de s'organiser. Un peu comme avec la récente annonce de départ).

Bref.

Winifred s'imaginait déjà dire dans l'interview que si elle voulait collaborer avec le Vox c'était pour attirer du monde chez elle et se faire du fric, c'était moyennement... moyen. Elle n'était pas contre une petite interview qui lui ferait de la communication, mais sans que ça parte trop loin.

- On verra alors pour cette histoire d'interview, pauffinez ça de votre côté et vous me direz exactement de quoi il en retourne au moment où... enfin, quand vous aurez éclaircit le mystère, enfin, vous m'comprenez.

Elle attrapa tout de même la main de Phineas pour la lui serrer de manière très professionnelle. Elle en profita pour tirer sur son bras afin de s'aider à se lever de sa chaise. Elle tapota sur sa longue jupe brune pour éviter d'avoir plus de plis qu'il n'en fallait et réajusta sa coiffure.

- C'est ça, parlez en à vos amis et tenez moi informée par lettre déjà, je crois que je vais partir quelques jours en vadrouille donc passez d'abord par ce biais plutôt que de passer à L'Octo, personne ne pourra vous répondre à ce sujet. Enfin, si, ils pourraient répondre mais ils ne sont pas habilités, je suis la seule à prendre des décisions de la sorte.

Elle reprit sa boîte en bois qui contenait encore quelques gâteaux avant de s'adresser une dernière fois à Phineas avec un large sourire.

- Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre ? Sinon je file retrouver mon employé que j'ai perdu dans les parages. Je l'ai laissé faire deux trois courses pendant que je venais au Vox. Puis ici, mais ça je ne lui ai pas dit étant donné qu'il était déjà parti, si ça se trouve il m'attend là bas.