Doutes [pv Feriel]

Le soleil n'avait pas encore pointé le bout de son nez, levé avant le chant du coq, je me faufilais hors de ma chambre. Sans prendre la peine de déjeuner, je souhaitais savourer quelques instants seuls. Prenant quelques affaires personnelles de mon placard, je bouclais mon ceinturon et plaçais mon épée d'entraînement dans son fourreau. Refermant la porte derrière moi, j'inspectais les alentours. Le fort était bien silencieux, seul le bruit des vagues au loin et des oiseaux faisaient écho dans les couloirs extérieurs de la forteresse. M'ayant frayé un chemin en passant par les escaliers de pierres grises, je descendais jusqu'à me retrouver dans la cour. Il m'arrivait d'avoir ces petits rituels matinaux afin de m'échauffer et de me préparer à ma longue journée de sueurs et de coups d'épée. Je manquais de fougue ces temps-ci, sans comprendre pourquoi la morosité gagnait mon esprit. Néanmoins, il fallait que je me reprenne en main. Je soupçonnais quelques personnes de mon entourage juger mon état d'esprit et mon manque de ténacité aux entraînements.

Les torches éclairaient l'extérieur de la cour avec ces quelques arbustes et ces grands terrains d'entraînement. Il y avait quelques dizaines de mannequins installés dans un coin sur la droite, au centre se tenait un espace de terre battue où les combats à l'épée se pratiquaient entre prieurés. Un soupir, une grande inspiration, je regonflais mes poumons et c'est parti. Vérifiant que mon équipement était bien attaché, mes gants bien serrés et l'épée en main, il fallait que je m'échauffe sur ces mannequins. D'abord en douceur, les gestes rudimentaires, quelques revers de main. Gauche, droite, gauche, droite. Attention aux pas, les jambes ne doivent pas être croisés au risque de tomber et d'être à la merci de l'ennemi. Quelque chose ne va pas. Je sens que ma vitesse est quasi inexistante ! Voyons, ce n'est pas comme cela que je parviendrais à défendre ma patrie et à devenir un grand prieuré. Souffler. Reprendre ses esprits. Continuer.

Au loin, j'aperçois une ou deux personnes dans les lueurs des flammes vacillantes me regarder. Je ne dois pas être distrait, mais je ressens comme un regard me foudroyer dans la pénombre. J'arrête. Je repose l'épée et regarde en arrière. Ils sont déjà partis. Ou bien n'était-ce que mon imagination ? L'entraînement reprend de plus belle, je ne dois pas m'arrêter et m'efforcer de continuer. Améliorer mes techniques, trouver les points clé pour désarmer mon adversaire, connaître les points vitaux et surtout, rester concentrer. Le coq commence à chanter, les premières lueurs de l'aube envahissent la cour. Le monde se lève. Il est l'heure.


Je m'en vais pour aller prendre mon petit-déjeuner avec les autres personnes du prieuré. Ce matin, je me retrouve seul sur une table, saluant mes frères et sœurs d'un signe de la main. Au menu, petits pains au four avec fruits et un verre de lait. Quoi de mieux pour requinquer au réveil ! La tête baissée, je reste pensif quant au reste de la journée. Vais-je pouvoir aller en ville ou faudra t-il que je reste au fort toute la journée ? Peut-être est-ce une petite déprime, car je me sens prisonnier dans cette énorme bâtisse ? Ou bien est-ce simplement le fait que je doute de mes compétences. Il faudrait que j'en parle à mes supérieurs. Une voix me sort de ma torpeur, me saluant et souhaitant se mettre à ma table. Je lève les yeux et réponds sans réellement d'expression :

- Bien le bonjour. Je vous en prie, asseyez-vous donc.

Je me décale légèrement sur la gauche. La pièce commence à se remplir, les prieurés ont faim et le meilleur endroit pour avoir des connaissances et discuter le matin reste le buffet du petit-déjeuner. Généralement, la plupart des frères et sœurs du prieuré ne sont pas très bavards le matin et font preuve de respect envers ceux qui ne sont pas très matinaux. La personne qui s'assit en face de moi n'était pas n'importe qui, et je la respectais au plus haut point. Elle était d'une bravoure sans vergogne et je la savais quelqu'un d'intelligente, forte en caractère et profondément impliquer dans son travail. Je ne souhaitais pas la déranger dans son repas. Je lui dis simplement ces quelques mots :

- Feriel. J'aimerais vous parler en privé après le repas.