Cours particuliers [Pv Wil]

Habillé d'une simple chemise de lin et d'un pantalon tout à fait ordinaire, Roy était sorti de son logement du district Domus pour rejoindre le district Pharma. Il était sortit plus tôt, à la fraiche, pour être plus à l'aise pour le trajet qui l'attendait. Heureusement, pour aujourd'hui, il n'avait pas à repasser par sa planque. Il avait prévu le coup, et personne ne l'y attendait. Le détour par la Borée aurait été bien trop chronophage, et ce jour, il ne pouvait pas se le permettre. Comme à son habitude, le jeune homme était calme, silencieux, marchant en ressassant toujours les mêmes choses en boucle, ses cours des journées précédentes et ses dernières leçons tirées de ses activités. Mais il bloquait. Il ne trouvait rien d'autre, ses deux dernières victimes s'étaient contentées de lui montrer des choses qu'il savait déjà, rien de nouveau. Et ça, ça l'avait contrarié sur le moment. Il n'avait pas de temps à perdre avec des sujets inutiles et des expériences infructueuses. Mais aujourd'hui venait la solution à son problème.

Lorsqu'il posa enfin les yeux sur le bâtiment, Roy ne put réprimer son sourire. Discret, un simple sourire en coin, mais c'était tout ce dont il était capable pour le moment. En se dirigeant vers l'entrée principale, il se fit interpeller par quelques autres étudiants qui l'avaient reconnu. Il répondit brièvement, donnant quelques fausses excuses travaillées au préalable pour abréger au maximum l'entretien. Il avait à faire. Oui oui, il les retrouverait plus tard, dans le bâtiment. Il quitta le groupe en soupirant. Roy trouvait ces interactions complètement inutiles, elle ne lui apportaient rien. Aucune information, aucun intérêt, rien de plus que de simples politesses échangées à la va vite par quelques personnes qui pensaient le connaître simplement parce qu'ils fréquentaient le même établissement. Logique absurde. Il en venait à penser que parfois, il aimerait montrer à certains d'entre eux son vrai visage. Après tout, quoi de plus ironique pour un apprenti Apothicaire que de finir en sujet d'étude pour l'un de ses camarades.

Lorsqu'il trouva la bonne salle, Roy s'installa patiemment. Il était l'un des premiers, les quelques autres qui attendaient l'heure lui avaient adressé un simple signe de tête ou de main pour le saluer, et il n'avait même pas daigné répondre. Il n'était pas là pour eux. Il sorti son carnet et replongea dans ses notes.

En relevant la tête, Roy vit que la salle était pleine. Tout le monde était arrivé, du moins, tous les étudiants. Il était tellement absorbé par ses notes qu'il n'avait pas vu le temps passer, ni même les gens rentrer et s'installer. L'heure approchait.

Au bout d'un instant, un homme entra dans la pièce, s'arrêtant un instant dans l'encadrement de la porte pour observer ceux qui allaient l'écouter. Roy se redressa, pris de quoi noter, et attendit patiemment que commence le cours qu'il attendait, celui du Docteur Wilhelm Zolt. Celui-ci était réputé pour être l'excellent médecin légiste de la Cité. Ses connaissances semblaient infinies dans son domaine tant il le maitrisait. Plus qu'un expert, on aurait presque dit que c'était lui qui avait donné des leçons à la Mort. C'était très probablement exagéré, mais c'était en tout cas l'impression qu'il donnait à Roy, et surement à un certain nombre d'autres apprentis.

Le cours se déroula naturellement, le jeune homme écrivait, dessinait, rajoutait des annotations dans tous les espaces vides de ses feuilles pour être certain d'être le plus précis possible. Le Docteur Zolt avait une telle expérience de l'anatomie humain qu'il ne fallait pas en louper une miette. Et Roy ne pouvait que constater, non pas sans une certaine amertume, que ces quelques instants passés à écouter un expert en la matière lui avait appris bien plus que la dissection d'une dizaine d'êtres humains. Il devait en apprendre plus, toujours plus, et continuer d'appliquer la théorie sur ses victimes.

Alors que le Docteur Zolt annonçait la fin de la leçon, Roy restait assis, regardant ses notes, et fixant du coin de l'œil le Docteur qui préparait son départ de la pièce. Une fois tout le monde sorti, le jeune homme se leva et se dirigea rapidement vers Zolt pour l'interpellet. Il se présenta, lui tendant la main.

"Docteur Zolt. Roy Hayten, je suis vos cours depuis un moment déjà. Je voulais, dans un premier temps, vous témoigner toute ma gratitude pour ce que vous partagez, vos expériences, vos connaissances. Et, dans un second temps, vous dire quel profond respect je vous porte."

Un léger sourire apparu sur le visage de Roy, qui paraissait, malgré son angoisse naissante, d'un calme olympien. Il était plutôt serein, mais il ne s'approchait pas de Zolt uniquement pour le remercier, et tout allait se jouer sur ce moment. Malgré son calme apparent, il craignait en effet d'essuyer un refus, ce qui, en plus de le contrarier, risquerait de lui causer du tort pour la suite de ses recherches et de sa quête de connaissances.

"Votre matière est sans nul doute ma favorite, et je vous serait infiniment reconnaissant si vous aviez un instant de plus à m'accorder pour répondre à quelques questions, que je puisse éclaircir certains points."

La question était posée d'un trait, sans hésitation, la posture droite et le ton assuré. Il voulait être sur que le Docteur le reconnaisse comme l'un de ses plus brillants élèves, qui suivait son cours avec sérieux et assiduité, non pas comme un simple apprenti paumé qui revenait à la charge sur une question simple.

Une journée lambda, avec un temps banal, pour une matinée somme toute commune. C’est dans cette atmosphère que Wilhelm Zolt se dirige en direction de l’Apothicariat, la hanse de sa mallette noire solidement tenue par sa main droite, tandis qu’il traverse les pavés du District Pharma, en direction du grand bâtiment. Sur son chemin, les badauds vaquent à leurs occupations, offrant leurs forces et savoir-faire aussi divers que variés au nom de la Grande Ville, embellissant Excelsa en cette matinée des clameurs et tableaux des travailleurs menant dur labeur pour les bienfaits de la cité.

Tous ont leurs utilités. Aucuns maillons de la précieuse chaîne excelsienne n’est à jeter ou à spolier. Tout citoyen, du moment qu’il travail, a sa place au sein de la Cité. Telle est la pensée qui anime Zolt depuis désormais de longues années, depuis qu’il a commencé à enseigner. Légiste, expert de la médecine légale et mortuaire, il met un point d’honneur à aider le Prieuré lors de leurs chasses aux criminels, ces imbéciles mettant en péril le fragile équilibre de la Ville en éliminant pour l’on ne sait quelles raisons l’un de ses maillons.

Affreusement pragmatique, Wilhelm Zolt échangerait chacune des vies d’honnêtes travailleurs éliminés contre celles de certains paresseux, vivant aux crochets de leur famille, se vautrant dans une paraisse dégoûtante. Pauvres et riches ont leur utilité, du moment qu’ils œuvrent pour le bien de la ville.

Telles sont les joyeuses ruminations agitant les pensées de l’apothicaire, alors qu’il s’avance dans les couloirs de l’Apothicariat, se préparant mentalement à l’exposé qu’il va offrir aux jeunes têtes blondes présentent dans l’amphithéâtre devant lequel Zolt se campe. Au vu du brouhaha présent derrière la porte, foule est encore présente pour son court. Parfait.

Bien que contenant un petit nombre de médecins en devenirs, et de potentiels candidats à la place de Légiste, le service de médecine légale à la tête duquel se trouve Wilhelm ne compte pas énormément de membres, la médecine au service de la Mort et de la Justice, un concept échappant à la plupart des étudiants, mais il y a dans le panel présent derrière cette porte, de potentiels candidats intéressants. Il est important de combler l’important brassage de candidats qu’opère son service, les uns suivant les autres, échouant à supporter la charge mentale du Légiste.

Réalisant son cours sur le système cardiaque et les effets d’un arrêt cardio-respiratoire sans souffrir de chuchotements et autre bavardages inutiles dont sont victimes certains de ses confrères, Wilhelm Zolt, avec une certaine satisfaction, observe ses nouvelles-têtes blondes sortir de l’amphithéâtre avant de ranger sa mallette dans laquelle il glisse ses feuilles de notes.

C’est alors qu’un étudiant s’approche du puprite et Wilhelm observe le jeune homme s’avancer, curieux, souriant faiblement lorsque celui-ci se présente à lui. Serrant la main du bientôt trentenaire, Zolt cherche dans sa mémoire pourquoi ce nom ne lui est pas inconnu.

Roy Hayten est bien connu des couloirs de l’Apothicariat, un homme discret, n’assistant qu’à certains cours, un cursus tardif, ayant rejoins les jeunes gens bien après l’âge minimal requis. A bientôt 28 ans Roy n’entame à peine que le deuxième Cycle, un miracle qu’il réussisse autant, sans assister à tous les cours, mais l’homme face à lui est doué, le Légiste n’en doute pas.

« Oui… Roy. J’ai déjà vu votre nom sur certaines copies. Vous n’êtes pas mauvais, et retenez bien. Dommage que vous ne soyez pas plus assidue aux autres matières. »

Voilà, la remarque est faite, ses collègues peuvent être fiers de lui, Wilhelm défend leurs savoirs.

« Dites-moi tout mon brave. Au vu de vos notes je me doute que ce n’est pas une question grossière, je m’accorder donc le luxe d’être exigent avec vous. Je peux donc vous accorder… Quinze secondes pour attiser ma curiosité. »

» Le Jeu - Intrigues en cours