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 Isabela Velásquez

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Isabela Velásquez
Excelsien(ne)

Isabela Velásquez

Messages : 64
Fiche : Par ici !
Vice : Aveuglement
Faction : Prieuré
District : Borée
Influence : 2727
Occupation : Prieuse (Garde urbaine)

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MessageSujet: Isabela Velásquez   Isabela Velásquez EmptyMer 24 Jan - 1:39




Isabela est une grande femme. Du genre phénoménalement imposante. Perchée quelque part entre le mètre quatre-vingt cinq et quatre-vingt dix, elle surplombe la plupart de ses collègues, tous genres confondus, et en retire une assez grande fierté. Ses épaules sont larges et solides, comme le reste de sa musculature, mais les traits de son visage, ainsi que les quelques courbes disséminées ici et là sur sa silhouette, y apportent un contraste plus rond et féminin.

Sa peau est sombre, épaissie en de nombreux endroits par le soleil et le frottement des armes, et de multiples cicatrices la constellent. La plus importante, celle qui traverse de part en part son abdomen, juste sous son nombril, a été recouverte d’une épaisse ligne d’encre noire. Le dessin représente une tige de ronces lui cerclant grossièrement les hanches. Il répond à un autre tatouage, moins intime, sur la face interne de son avant-bras gauche, qui rappelle les cinq préceptes du Prieuré.

Une autre cicatrice, plus large, et au relief bien plus irrégulier, lui mange une bonne partie de la paume, sur sa main gauche, gênant parfois le mouvement, de ses doigts. Ça, les enfants, c’est la raison pour laquelle on n’attrape pas de morceaux de métal brûlant à pleine main.

Ses cheveux forment une longue tignasse noire, la plupart du temps pleine d’autant de boucles que de nœuds, et ils ne ne se laissent dompter que par les plus patientes et les plus courageuses des mains. La plupart du temps, elle en fait une natte grossière, et le seul moment où elle prend la peine de les apprêter, c’est lors de ses trop rares escapades dans les maisons de plaisir du district Domus. Ce n’est pas parce qu’on paye qu’on ne peut pas profiter un peu du plaisir de séduire, pas vrai ?
Nom : Velàsquez
Prénom :  Isabela
Âge :  29 ans (Née le jour 50 de la saison des vents, l'an 1097)
Genre : Féminin (Réassigné)
Titre(s)/Métier : Prieuse (Garde urbaine)
Faction : Prieuré
District : La Borée
Etranger : Non
Pouvoirs :
● Prieuré
- Entraînement militaire (épée)
- Garde urbaine
● Corps :
- Bagarre
● Informateur
(Spécifique aux bas quartiers)

opinions

Isabela connait l’importance du devoir, et le poids qui pèse dans les mains de celui qui se fait protecteur des autres.

Elle est reconnaissante pour toute les choses que le hasard de sa naissance a pu lui apporter – bien qu’elle n'a pas vécu dans la richesse, elle sait que les maux les plus cruels de la pauvreté lui ont été épargnés – et elle est déterminée à faire tout son possible pour rendre un peu de ce privilège en servant son père, et l’ordre auquel il a juré fidélité.

Oh, bien sûr, il arrive qu’elle rêvasse. Qu’elle se laisse aller à des fantaisies de dentelles, de danse et de parfum. Qu’elle se demande, même, parfois, si sa vie ne serait pas plus douce, si elle avait cherché à protéger des princes, plutôt que leurs sujets, et défendu la ville par les plus hautes et les plus chics de ses sphères.

Elle a fini pourtant par se faire à l'idée que sa vie ne sera probablement jamais faite de ces choses-là. Alors elle en garde jalousement le secret dans un épais journal, entre quelques notes d’histoire, des croquis de robes, et de visages, et le récit de ses rondes les plus passionnantes.

Ses priorités, de toute façon, sont assez simples. Son devoir auprès du Prieuré, et la ville qu’il sert, passent en premier. Sa loyauté va ensuite à sa mère, malgré son état, car elle lui est à jamais redevable d’avoir tant sacrifié pour elle. Puis, enfin, tout en bas de la courte liste, elle peut alors s’autoriser quelques pensées pour elle-même.

En ce qui concerne ses opinions politiques, elles sont assez simples.

Les lois sont.

Justes ou injustes, valorisant les uns ou les autres, il appartient à d’autres qu’elle de les faire, et de les faire équitables. Le rôle qui est le sien est de les faire appliquer afin de prévenir le chaos. La plus large zone grise qu’elle peut y voir se trouve dans le jugement qu'elle fait de chaque situation qu’elle rencontre.
Un vieillard atteint de démence et un casseur aux intentions criminelles ne seront pas coupables de la même manière, et il appartient aux siens de savoir faire la différence entre les deux, pour juger le plus équitablement possible des sanctions à appliquer.

Pour tout le reste, c’est hors de ses mains. Et s’il lui arrive, parfois, de comprendre le sentiment d’injustice profonde qui peut motiver, par exemple, certains mouvements de grève ouvriers, leur violence, elle, et le chaos qu’elle engendre dans son sillage, sont inacceptables.

Si la Loi est mauvaise, il n’appartient pas à la rue d’en décider à coup de pierres et de pioches.

Enfin, même si elle ne clame pas cette opinion trop fort, elle reste particulièrement mal à l’aise vis-à-vis des formes de magies qui lui sont familières – essentiellement celles pratiquées par ses collègues du vicaire, puisqu’elle n’a pas connaissance des autres – et bien qu’elle puisse en comprendre l’utilité, sur un champ de bataille, la chose la laisse assez inquiète. Voire carrément nauséeuse.

Il y a des choses qui ne devraient pas être possibles, pour que le monde continue de tourner rond.



timeline

(Pour les petits pressés qui n'auraient pas le temps de lire l'histoire dans son vaste détail.)

1097 : Naissance d'Isabela (Joaquin) Velásquez, fille d'Octavio Velásquez, prieur vétéran de renom, et Ambrosia Ferri - Velásquez, fille d'ouvrière reconvertie en aide-soignante

1098 - 1111 : Enfance. Elle fait l'école à la maison auprès de ses grands parents paternels, dont sa grand-mère, ancienne prieuse émérite, qui l'entraine rigoureusement en vue de son intégration future du noviciat des tuniques rouges. Très jeune, elle demande à être appelée Isabela et à ce qu'on s'adresse à elle au féminin.

1108 : (11 ans) Incident avec l'ainé du contremaître à la fabrique de chaussures Hastings. Isabela, après avoir contribué rétablir la vérité concernant de fausses accusations de vol, se trouve confronté au fils en colère, et se brûle gravement à la main gauche dans l'altercation. La cicatrisation dure 10 mois et lui laisse quelques séquelles de mobilité aux doigts.

1109 -10 :
(12-13 ans) Elle passe du temps avec Justinien, le second fils des voisins, avec qui elle partage une passion prononcé des jolies robes et du théâtre. Premiers émoustillements physiques et amoureux. Confirmation très forte de son identité de genre, panique à l'arrivée de la puberté.

1111 : (14 ans) Isabela est emmenée par sa mère pour se faire opérer en secret par un ami d'ami de son patron. Son père n'étant pas d'accord, une grosse dispute éclate lorsqu'il est mis devant le fait accompli. La convalescence est longue et son père n'adresse plus la parole à sa mère, à qui il reproche d'avoir mis en danger la vie de son enfant et héritier.e pour des broutilles.

1111-12 : (14-15 ans) Deux années très dure de transistion physique et hormonale, en plus de la convalescence très longue, et du lourd entraînement nécessaire pour rattrapper le retard accumulé.

1113 : (16 ans) Entrée au Prieuré tardive, mais sous l'identité officielle d'Isabela Velásquez. L'intégration se passe sans trop d'écarts, mais à la maison, les relations entre ses parents se détériorent.

1113-1119 : Noviciat d'Isabela. Elle y progresse vite, voit son corps finir de se développer, en taille et en formes, parfait sa formation au corps à corps, apprend la stratégie, et le maniement de l'épée à une main. Les épées plus lourdes lui sont plus difficilement maniables, à cause de sa main gauche.

1119 : (22 ans) Fin du noviciat. Isabela est officiellement une prieuse, et elle choisit d'entrer à la garde urbaine.

1119 - 1124 : Débuts d'Isabela à l'urbaine. Elle trouve ses marques et une routine confortable, choisit de vivre majoritairement à la Caserne Nord pour échapper à l'ambiance pesante du domicile familiale. Là-bas, sa mère se noie dans son travail et son père fuit le foyer et voit d'autres femmes.

1125 : (28 ans) Morts successives de sa grand mère maternelle et de son père, la première de vieillesse, le second dans des circonstances assez mystérieuses. Sa mère et son autre grand-mère sont complètement dévastées. Les deux femmes se mènent une guerre verbale absurde et virulente, empoisonnées par le chagrin. La mère d'Isabela finit par quitter le domaine familiale, ainsi que son emploi, pour écumer les tavernes de la Borée.

1125-26 : La vie reprend son court. Isabela a pris une chambre à sa mère près de la caserne, et passe la majorité de ses soirées à la récupérer au bar pour payer ses dettes et l'emmener au lit. Elle se débat encore avec la culpabilité d'avoir été le point de rupture du mariage de ses parents, et les questions sans réponses concernant la mort de son père.


histoire complète

Le père, Octavio Velásquez, pouvait se targuer d’un peu de renom. Sa lignée comptait sept générations de fervents protecteurs d’Excelsa, et lui-même n’avait aucunement à rougir de ses années de service au sein du Prieuré. Sa propre mère, Felipa Velasquèz, avait porté le rouge jusqu’à sa soixantième année, et ne l’avait ôté qu’après avoir perdu son meilleur œil. Elle s’était retirée aux côtés de son mari, un simple marchand content de son sort, et avait mis sa ferveur au service de l’enseignement.

L’enfant, confié à la tutelle sévère de cette aïeule, saurait ainsi sûrement suivre les pas de ses ancêtres, vers une vie de vertu, de courage et de dévotion. On lui enseignerait probablement aussi comment rosser, pilonner, dérouiller, assommer, étriper et occire son prochain, mais cela faisait partie du métier.

La mère, elle, n’avait de racines que quelques noms, inscrits dans des registres d’usines. Des ferrailleurs, des tisserands, quelques mécanos. Des parents dont la fatigue était l’humeur première, et une sœur que tous les soins de l’hospice ne purent porter au-delà de l’âge de neuf ans. Elle se maria aussitôt qu’elle le put, abandonnant le nom de Ferri pour celui d’Ambrosia Velasquèz, et troquant par là-même une vie de résignation et de misère contre un espoir infiniment plus doux.
A cet homme elle donna un enfant, et tout l’amour dont elle fut capable, en échange de quoi il lui permit d’accéder à un quotidien plus confortable. Libérée de l’emprise de la pauvreté, elle put se forger quelques compétences médicales en devenant l’apprentie d’un soigneur du coin.

◊ ◊ ◊

Ce fut cette mère, des deux parents, qui se leva le plus farouchement à la défense de sa progéniture, lorsqu’il devint apparent qu’on avait très injustement affublé cette dernière d’un genre qui n’était pas le sien.

Car il semblait bien que le petit enfant brun qu’on avait prénommé Joaquin n’était pas un Joaquin.

Il était une Isabela.

La chose était curieuse. Pas alarmante, bien sûr, surtout à ses débuts. On avait attribué ces manies à l’attachement proche de la vénération que cet enfant vouait à sa grand-mère. C’était sûrement son désir de lui ressembler qui le précipitait, parfois, dans les placards de sa mère pour y enfiler des jupons comme de longues robes de mariées, avant de glisser son épée en bois dans une ceinture de fausses perles.
Après tout, pourquoi s’inquiéter : cet enfant-là travaillait dur, c’était là l’essentiel. Il étudiait, s’entraînait, se battait, étudiait plus encore, et semblait porter dans son cœur le profond désir de rendre ses parents fiers de lui.

Fiers d’elle.

◊ ◊ ◊

L’enfant était une petite intrépide, prête à encaisser les entraînements les plus rigoureux, les bleus, les bosses, les ampoules et les coups de soleil, mais elle hurlait à la mort dès qu’il était question de lui couper les cheveux. Elle refusait aussi de répondre à un autre nom qu’Isabela, depuis que Justinien, le deuxième fils des voisins avait trouvé ce nom pour elle sur le prospectus d’une pièce de théâtre.

Les membres du foyer Velásquez, tout comme le reste du monde finirent ensembles par réaliser, perplexes, que la chose ne disparaîtrait pas avec le temps. Le père, parmi tous, eut tout le mal du monde à cesser de l’appeler ‘fils’, mais son obstination finit par se laisser assouplir, à la vue des efforts considérables que déployait cet enfant pour le combler.

Le reste du monde se contenta de hausser un sourcil, de temps en temps.

◊ ◊ ◊

Ainsi Isabela fut, et grandit, jusqu’à devenir cette imposante gamine, aux épaules larges et aux mains cloquées, qu’on prenait toujours pour plus vieille qu’elle ne l’était réellement, et qui passait son temps à sauter dans les bagarres pour les interrompre en assommant tout le monde. Chaque année qui passait tressait des muscles sur ses membres trop grands, et sillonnait sa peau de corne et de cicatrices.

A l’âge de onze ans, elle trouva le courage de dénoncer le fils du contremaître Hastings, quand il fit accuser à sa place le petit Melchior d’un vol de dix ducats dont il était l’auteur. Trois jours après, quand ledit fils à papa vint demander réparation pour les coups de bâton dont il avait écopé, brandissant un tisonnier encore bien rouge, Isabela, sans la moindre hésitation, l'attrapa dans sa main gauche pour empêcher qu’il ne s’abatte sur sa figure, avant de matraquer en hurlant son propriétaire de la main droite.

Ni la douleur atroce, ni les dix mois de cicatrisation, de soins et de rééducation sous l’œil particulièrement courroucé de sa grand-mère n’avaient pu lui faire regretter ce premier vrai acte de justice.
L’incident, pourtant, et le souvenir de ce qui reste à ce jour la blessure la plus douloureuse qu’elle se ait mémoire d’avoir subi, lui a laissé au ventre un profond sentiment de malaise vis à vis des flammes.

◊ ◊ ◊

Quand Isabela eut treize ans, Justinien, son petit voisin à présent apprenti poète et surtout cordonnier, mua pour la première fois. C’était un petit croassement timide, perdu au milieu d’une interminable discussion sur les costumes d’un ballet que ni l’un ni l’autre n’aurait l’occasion d’aller admirer. Pourtant, aux oreilles de la jeune fille, le son résonna comme un glas sinistre : c’était la fin de l’enfance, et des faces voilées.

Bientôt sa voix aussi se briserait en mille morceaux avant de devenir grave et bruyante. Du poil lui pousserait partout sur le corps, et sur son menton qui se ferait plus carré encore. Quant à cette chose, entre ses jambes, et qui lui donnait déjà tant de fil à retordre, elle n’osait même pas imaginer ce qu’il en adviendrait.
Dès lors, elle fut inconsolable. Elle pleura hurla, cogna et cassa tout ce qui lui tomba sous la main. Et quand elle eut fini de déchaîner sa tempête, elle se mura dans un silence total et n’avala plus rien.

Le père ne voulait rien savoir. Dans un an, fille ou garçon, Isabela ou Joaquin, l’enfant intégrerait son noviciat et se ferait à l’idée que toutes ces choses-là n’avaient aucune espèce d’importance. La grand-mère, n’avait pas d’avis, et encore moins de solution à proposer. Les autres aïeuls non plus.

La mère, pourtant, avait une idée en tête.

◊ ◊ ◊

L’opération fut pratiquée dans le plus grand des secrets, par un ami d’ami du maître soigneur d’Ambrosia : le professeur Josué Adelman. Intéressé par cette occasion inespérée de s’essayer à une procédure plus qu’expérimentale, il accepta de travailler gratuitement, à condition de pouvoir suivre et publier les résultats de son travail. Isabela, malgré les risques, les conséquences que cela était susceptible d’avoir sur sa santé ou son entrainement, et même la perspective de désobéir à son père, accepta sans aucune hésitation.

C'est dire à quel point c'était important.

On la conduit à l’Apothicariat au milieu de la nuit, sans un mot, pour l’y endormir profondément, avant de lui ouvrir le ventre.
La technologie était complexe, et très expérimentale. Un dispositif interne dont le but premier était de forcer le corps, et en particulier les organes reproducteurs, contre lesquels il était placé, à stopper ou décupler la production de certaines hormones. Ici, les androgènes et les œstrogènes. Il fut également décidé de ne pas toucher à la partie externe, car l’enfant était encore jeune et son corps loin d’avoir achevé sa croissance. La question ferait peut-être l’objet d’une seconde opération, plus tardive, si les choses se passaient bien et que la patiente y consentait.

On la ramena chez elle trois jours plus tard.

◊ ◊ ◊

Lorsque le secret fut révélé au reste de la famille, en même temps que l’impressionnante cicatrice qui zébrait à présent l’abdomen de l’enfant, reliant ses deux hanches en une grande et macabre ligne, l’orage éclata au milieu du foyer.
Le père, la mère, la grand-mère, tous se mirent à hurler, chacun leur version de ce qui était bon pour l’Enfant au bord des lèvres – entre l’écume et les jurons. À l’étage, Isabela, au fond de son lit, faisait tout ce qui était en son pouvoir pour se remettre du traumatisme qu’elle et tout un tas de complices venaient d’infliger à son organisme.

Quand la jeune fille trouva un jour le courage de demander à son père s’il était amer de n’avoir qu’une héritière à la place d’un héritier, ce dernier se contenta de lui répondre que le genre importait peu. Que tout ce qu’il désirait, c’était un enfant en vie, et en bonne santé, pour honorer son héritage. Il en voulait cruellement à sa femme d’avoir risqué tout ça au nom de quelque chose qui avait encore à ses yeux l’air d’une simple et capricieuse fantaisie.

Il semblait que sur ce point-là, jamais ils ne tomberaient d’accord. Mais le mal était fait.

La rémission fut longue, et éprouvante. La rééducation, encore plus. Le temps que la jeune fille puisse retourner s’agiter sans risquer de se déchirer la peau ou les entrailles, et tout était déjà à reprendre. Le retard accumulé, l’affaiblissement physique, et ces hormones, qui valdinguaient dans tous les sens, défaisant ses muscles et bousculant son centre d’équilibre…
Pour l’élève, comme pour son professeur, c’était un coup dur. Pourtant, il était hors de question de jeter aux cochons les efforts et les progrès qu’elles avaient accumulés jusqu’ici. Lentement, et avec au cœur l’allégresse de se voir, malgré tout, ressembler chaque jour un peu plus à sa mère qu’à son père, Isabela redoubla ses efforts.

◊ ◊ ◊

Elle fit son entrée au Prieuré à l’âge tardif de seize ans, mais sous le nom à présent officiel d’Isabela Velásquez, et sans le moindre poil sur le torse. Elle détonnait un peu, au milieu des autres recrues, avec ses airs de vénus géante et mal taillée, encore encombrée ça et là des vestiges de son bloc de marbre, pourtant jamais elle ne s’était sentie plus à sa place qu’ici.

Au domicile familial, les tensions accumulées entre ses deux parents ne s’étaient jamais vraiment calmées, et bien que son père ait recommencé à adresser la parole à sa mère, l’ambiance y était encore froide et pesante. Le départ pour la Forteresse fut un soulagement muet pour la jeune fille.
Isabela, en ce temps-là, avait encore bon espoir que sa réussite triomphante apaiserait les tensions, et ramènerait un peu de mortier dans cette famille qu’elle avait si égoïstement déchiré.

Ils étaient tous fiers des efforts qu’elle faisait, mois après mois, et de la conduite exemplaire dont elle faisait preuve. Un seul incident était venu entacher son rapport de discipline, tout au début de son noviciat, lorsque deux gosses un peu balourds s’étaient mis en tête de lui chercher des poux, et qu’elle en avait soulevé un à bout de bras pour le jeter sur l’autre. Plus un seul ne retenta sa chance, après ça, et, ironiquement, elle devint très amie avec l’un des deux garçons.

Pourtant, malgré les félicitations qu’elle recevait à chaque retour au domicile familial, et malgré les années qui écoulaient leur sable, la relation de ses parents ne revint jamais à ce qu’elle avait un jour été. Ambrosia s’était noyée dans son travail d’aide-soignante, à l’hospice du District Domus qu’elle avait intégré, tandis qu’Octavio passait désormais le plus clair de son temps hors du domicile familial. Entre le Fort, les diverses tâches d’intendance et les devoirs mondains qui étaient les siens, et quelques auberges où il s’égarait parfois, sans que personne ne sache avec trop de précision ce qu’il y faisait.

◊ ◊ ◊

Six années passèrent, transformant l’adolescente en jeune femme et donnant à sa croissance encore quelques centimètres supplémentaires. Les hormones et l’entraînement intensif avaient tout deux fait leur office, et si la largeur de ses épaules et les traits solides de sa musculature avaient de quoi impressionner, sa silhouette n’en demeurait pas moins indéniablement féminine. Simplement c’était un genre de féminin qui impressionnait drôlement. Elle avait des hanches, à présent. Des hanches rondes, une poitrine pour remplir sa robe, quand elle décidait de la porter, et assez de force pour soulever le péquin moyen que ça aurait pu contrarier par le col pour l’envoyer voler sur un mètre ou deux.

A la ceinture de son uniforme, elle avait préféré une épée courte, maniable à une main, car elle manquait un peu de précision lorsqu’elle devait joindre sa main gauche – jamais totalement remise de l’incident du tisonnier – à la manœuvre pour faire virevolter des épées plus lourdes. De toute façon, ce qu’elle préférait, c’était se battre à main nues. Les quiches dans le nez, ça manquait d’élégance mais quand on était à l’urbaine, c’était quand même plus facile que d'étriper à tour de bras pour expliquer des trucs aux plus durs d’oreilles.

Tout ce qui était visée, en revanche, elle avait fini par abandonner. Elle avait longtemps mis ça sur le compte de son entraînement, parce qu’apprendre à tirer avec une borgne, ça n’était pas la plus fine des stratégies, mais même après six années à essayer d’envoyer des carreaux sur des mannequins – ou même dans la vague direction des mannequins – il fallait se rendre à l'évidence : elle n’avait tout simplement aucun talent pour la chose.

Isabela décida également d’intégrer la garde, plutôt que de se spécialiser dans ces techniques de guerre dont la nature profonde l’effrayait un peu. Malgré son infaillible admiration pour les faits d’armes passés de son père, elle avait compris, avec les années, que son véritable dévouement était réservé à cette ville qu’elle avait juré de protéger. Ses murs, ses quartiers, mais surtout ses habitants, des plus faibles aux mieux lotis.
Elle ne rêvait pas de lauriers, de magies obscures ou de pouvoirs cosmiques phénoménaux. Si par ses poings, son dévouement et son travail acharné elle pouvait contribuer à rendre les rues plus sûres, et garantir la paix et la sécurité à chacun de ceux qui faisaient de cet endroit une grande et belle cité, alors elle en serait parfaitement satisfaite.

◊ ◊ ◊

Au bout d'un an, la vie était devenue routinière. Elle allait et venait entre la caserne Nord, où elle partageait un dortoir avec ses camarades de patrouille, et l’appartement de sa grand-mère paternelle, dans le district Sainte-Héléna, où s’entassait le reste de sa famille, tout comme elle l’avait laissé.
Les missions étaient souvent les mêmes, et tant qu’aucun suspect en fuite ne nécessitait de battre le pavé avec acharnement, le quotidien était surtout composé de rondes, d’interventions diverses dans les quartiers adjacents, et de petites interpellations. Le genre qui finissait bien plus souvent sur la place publique qu’à l’échafaud, et la justice prenait plus souvent la forme de navets pourris jetés à la figure des coupables que par une lame dans la gorge.

Oh, parfois, il arrivait que l’on se batte, bien sûr. Tout de même. Les oisillons, en général, étaient bien moins dociles, lorsqu'on essayait de leur reprocher quelque chose, et leurs fautes souvent plus sérieuses. Mais cela avait au moins l’avantage de garder tout le monde aux aguets, malgré l’enchaînement répétitif des journées.

On ne savait jamais quand quelque chose d'excitant allait finir par arriver...

Les soirs, ensuite, étaient partagés équitablement entre les rondes nocturnes, les visites à sa famille, la célébration alcoolisée avec quelques-uns de ses collègues, ou bien une soirée plus privée en compagnie des filles de « La Barbe de Madeleine », un bar-auberge où les limites du genre et de la sexualité étaient particulièrement floues et libérées.

Cinq années paisibles passèrent, aussi vite que le clignement d’une paupière. Tout n’y était pas parfaitement rose, en particulier l’ambiance du domicile familial, mais la vie y tournait rond. Avec le recul, Isabela se prend parfois à rêver de revenir à ces années-là, se maudissant de ne pas les avoir davantage savourées.

◊ ◊ ◊

Aux premières gouttes grises de la saison du Repos, l'année suivante, sa grand-mère maternelle mourut. L’âge la cueillit dans son sommeil, paisiblement, déchirant le cœur de sa fille dans la foulée. Mais à peine eut-on le temps de disposer de ses cendres, qu’Octavio, le père d’Isabela, la suivit dans la tombe.
Sur les circonstances de sa mort à lui, d’innombrables zones d’ombres subsistaient. Il avait été retrouvé dans une petite chambre d’auberge du district Domus, un poignard de facture quelconque enfoncé dans la poitrine. Visiblement endormi au moment de l’acte, les lieux à peine dérangés autour de lui, et bien trop peu d’indices ou de témoins pour permettre de formuler la moindre hypothèse solide.

Ce fut cette absence de réponse, plus encore que le départ de l’homme, qui acheva de faire voler en éclat ce qu’il restait de famille à Isabela. Sa mère et sa grand-mère, rongées toutes deux par un chagrin toxique, et venimeux, se battaient jour et nuit, se jetant l’une et l’autre des fautes absurdes au visage, accusant tout et tout le monde d’avoir assassiné Octavio. Isabela se réfugia à la caserne, pour y faire son deuil loin des deux femmes, incapable de jouer bien longtemps les arbitres dans cet affrontement vide de sens.

◊ ◊ ◊

Ambrosia finit par fuir à son tour ce domicile qui n'avait plus rien de familial, coupant tous les ponts avec sa belle-famille. Elle alla même jusqu’à quitter son travail à l’hospice, qui lui rappelait trop tout ce qu'elle avait perdu. Isabela lui dégotta une petite chambre à la Borée, pas trop loin de sa caserne, pour pouvoir veiller sur elle tandis qu’elle se reconvertissait dans un alcoolisme galopant.

Cela devint une routine. Chaque soir, avant de prendre le service, ou juste après avoir raccroché son uniforme, elle parcourait les tavernes du quartier, à la recherche de sa mère. Elle payait de sa poche les dettes que cette dernière avait pu y laisser, en consommant ou sous forme de casse occasionnée par ses élans de fureur. Puis, lorsqu'elle l'avait trouvée, elle prenait la pauvre femme sur son dos, et la portait comme une enfant jusqu’au lit pouilleux où elle s’endormait. Certaines nuits, de sa bouche, coulaient des mots de reconnaissance et d’excuses. D’autres, il n’en pleuvait que du fiel, et des accusations cruelles.

Des accusations qui à ce jour hantent toujours la jeune prieuse.

« Ton père ne serait peut-être pas mort si tu n’avais pas déchiré cette famille, toutes ces années en arrière. »

◊ ◊ ◊

A ce jour, Isabela porte son deuil depuis maintenant deux ans, et cette routine-là subsiste, quasiment inchangée. Parfois, elle confie la tâche à un collègue de confiance. Parfois elle laisse sa mère dormir dehors, quand elle n’arrive pas la trouver et que la nuit se fait courte.
La culpabilité, elle, s’est un peu estompée. Car malgré le chagrin, malgré les doutes, et les questions à jamais sans réponses, il faut bien que la vie suive son court. Chaque nouveau jour demande à être vécu, peu importe les états d’âmes qui tourmentent la jeune prieuse.

Les problèmes doivent être résolus. Le pain mis sur la table...

Et le devoir accompli.


Dernière édition par Isabela Velásquez le Mer 24 Jan - 12:23, édité 2 fois
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Otton Egidio
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MessageSujet: Re: Isabela Velásquez   Isabela Velásquez EmptyMer 24 Jan - 10:34

Hey !

Bienvenue à toi /o/ Comme discuté sur Discord, c'est nickel !

Bon jeu et bon amusement parmi nous ^^
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Isabela Velásquez
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