Quelques jour plus tard, la journaliste avait toujours autant de pain sur la planche. Son enthousiasme sa curiosité et aussi un peu d’ambition ne lui permettait pas de se cantonner à un seul sujet et elle passait des uns aux autres au risque de se perdre un peu. Mais après tout, c’était un peu le lot de tous à la rédaction de la ligne de Myre. Son budget ne pouvait pas lui permettre d’engager d’autres journalistes à plein temps et les pigistes qui donnaient entière satisfaction à Humphrey n’étaient pas légion.Happée par les nécessités du terrain, la rouquine, ne repassait que les strict nécessaire au journal, pour les conférences de rédaction où sa présence était indispensable pour remettre ses papiers à son rédac chef ou finir de d’y apporter les corrections nécessaire, qu’elles soient exigées par ce dernier ou par la censure.
Ce jour là c’était pour présenter son emploi du temps prévisionnel des deux jours à venir qu’elle frappa à la porte d’Humphrey Octaviani. Celui-ci semblait au bout du rouleau mais son enthousiasme pour le métier ne faiblissait pas. Salawa aimait particulièrement cette qualité qui prouvait à tous qu’il n’était pas nécessaire d’avoir l’approbation de l’ensemble de la profession pour garder sa flamme et faire un boulot de qualité. Bien sûr, elle ne le lui disait jamais, sous peine de lui donner des raisons de penser qu’elle avait des sentiments positifs à son égard.
Elle considéra une seconde le quinquagénaire penché sur son travail. En chemise grise et gilet, la moustache toujours impeccablement taillée, il semblait à son âge impénétrable aux désagréments de la chaleur et malgré la montagne de travail qui l’attendait, le bureau de métal gardait un ordonnancement rigoureux. Les piles de papiers se côtoyaient sans se mélanger, et ses outils restaient toujours à portée de main. Sur le plancher aucun feuillet ne trainait mais une corbeille à papier commençait à déborder. Elle approcha du bureau sans mise en scène, le visage déjà fermé par la perspective de la journée. Elle tandis un feuillet dactylographié avec soin.
“Tenez, pour information.”
Il prit le programme de la jeune femme qui ne semblait pas attendre d'autorisation de sa part, tout en la regardant avec intérêt comme il faisait toujours comme pour voir si elle ne lui cachait rien tout en mettant déposant une ultime feuille sur un tas de factures mais cette fois une sorte de pétillement humide éclairait son regard d’une lueur supplémentaire.
“Encore en route pour te faire des ennemis?”
Un sourire énigmatique s’esquissa à peine sur le visage de la journaliste qui attendait la suite. Son patron n’avait jamais de remarques comme ça en passant, il voulait lui dire quelque chose de plus.En effet, il prit un journal replié à contre pli et le lui tendit à la page d’un entrefilet. Reconnaissable entre tous, le Vox devait avoir publié un nouveau scoop. Elle le parcourut rapidement avant de le reposer.
“Oui, bon et alors?
_ Alors? Plusieurs choses. Il a écrit infamant pas diffamatoire et donc il admet que tu as raison. Par contre tu sais ce que ça signifie?
_ …
_ Tu lui as déclaré la guerre et le journal va être scruté et épié et passé au crible par le Vox et il ne nous fera pas de cadeau.
_ Tu attendais des cadeau de leur part?”
Humphrey se rejeta en arrière, contre le dossier de son fauteuil de bureau, prêt à éclater de rire si elle en jugeait par le rictus qui lui déformait le visage et les pattes d’oies qui s’étiraient vers ses tempes depuis ses yeux espiègles. De son côté elle ne jugea pas nécessaire de justifier l'exclusion du terme diffamatoire. Elle n'avait fait que retranscrire ce que lui avait dit et décrit le membre de l'équipe du Vox. Cela aurait été un comble qu'en plus il la traite une nouvelle fois de menteuse!
“Non c’est vrai.
_ TUfais ton job le mieux possible pas vrai? JE fais mon job le mieux possible sous peine de me faire taper sur les doigts par mon rédacteur en chef?”
Elle eut un petit sourire ironique qu’il savait fort bien interpréter,, conscient des relations qui les liaient tous les deux.Des relations de respect que l’imprévisibilité de la rouquine venait pimenter et l’expérience du moustachu canaliser. Tout deux savaient qu’ils formaient un duo assez complémentaire
“Ton rédac chef se demande parfois ce qui lui prend de te laisser publier certains papiers…
_ L’amour du travail bien fait sans doute…
_ … mais sur ce coup je te suis à cent pour cent! Je ne suis pas certain que ça va lui redonner un peu d’humilité, mais il faut bien que quelqu’un lui mette le nez dans sa …”
Il avait cette retenue presque coincée qui l'empêchait de proférer des grossièretés même lorsque cela lui démangeait. En retour, la jeune femme lui adressa un sourire complice. C’était toujours bon de sentir qu’on n’était pas seule à partager des idées et que même son patron était solidaire de ce qu’elle avait écrit. Il n’avait pas trop le choix puisqu’il avait autorisé” la publication de l’article,mais il aurait pu le regretter ou lui rejeter la responsabilité de ses allégations, or il n’en était rien et elle lui en était reconnaissante, même si en dehors de son sourire, elle ne le lui manifesterait pas.
“Bon ce n’est pas le tout, mais je n’ai pas que de la relecture des articles des autres à faire moi aujourd’hui. A plus!”
Elle lui adressa un petit signe de la main et tourna les talons tandis que le quinquagénaire retournait à sa tâche ingrate de faire tourner la boutique.